Un safari en Afrique est souvent la réalisation d’un rêve. À condition de bien le planifier. Notre journaliste (qui en a fait quatre !) nous dit comment en garantir le succès.
La fiche voyage de Luc
A passé 22 ans à l’extérieur du Québec (dont 15 en Europe) et a sillonné 4 continents.
Le plus déroutant Le Rwanda.
Un souvenir mémorable Le concert de Camarón de la Isla avec Paco de Lucía à la Plaza de Toros de la Maestranzá, à Séville, en 1984.
Le plus sportif La couverture en direct de 12 Super Bowl.
Le prochain L’île de Cythère, en Grèce, avec sa blonde, pour souligner ses 50 ans.
La recette gagnante Ce qui est normal pour les uns ne l’est pas forcément pour les autres.
« Je veux descendre », supplie Luce, qui tremble de tout son corps sur la banquette arrière. « J’ai peur de l’eau. Je veux descendre de la jeep. » Nous sommes un groupe de six Québécois embarqués dans cette galère. Personne ne sait que répondre à la voyageuse effrayée. Chacun retient son souffle et garde les yeux rivés sur le chauffeur kényan, qui transpire à gros bouillons, les mains agrippées au volant. Devant, la rivière en crue recouvre la chaussée du pont sur lequel s’apprête à s’engager notre Toyota Land Cruiser. De l’eau jusqu’aux genoux, trois jeunes Africains en jean et t-shirt guident le chauffeur pour nous éviter de basculer dans les remous. Sur le pont, la flotte brune pleine de résidus évoque le sable mouvant. La traversée ne dure que quelques minutes mais, entre le ciel menaçant et la végétation sauvage, chacun a le temps de se faire son film catastrophe. D’imaginer la jeep se faire avaler par la rivière. De visualiser l’eau boueuse en train de s’engouffrer dans l’habitacle…
1. Bien choisir sa saison
Le mot safari, ce sont des images du Roi lion, de troupeaux de gazelles bondissant à travers la savane et de rivières grouillant de crocodiles. Mais c’est d’abord un rendez-vous avec le continent africain, une aventure qui brouille les repères et qui exige un minimum de préparation. Parce qu’il existe de nos jours plusieurs formules de safari. Il est possible de partir 10 jours en jeep au cœur du Livre de la jungle. Contempler la grande migration des gnous et des zèbres du haut d’une montgolfière. S’enfoncer dans la jungle à la rencontre de gorilles à dos argenté. Remonter une rivière en bateau avec un pont d’observation pour admirer des hippopotames et les chutes de Tarzan. Ou encore dormir dans un village masaï, chez ces chasseurs nomades qui s’occupent des nombreux parcs animaliers d’Afrique de l’Est…
C’est dans cette partie du continent, aussi appelée l’Afrique des Grands Lacs, que notre groupe a exploré les destinations safari très prisées du Kenya, de la Tanzanie et de l’Ouganda. Un coin du monde qui se distingue par sa biodiversité, ses parcs naturels, la profondeur de ses lacs, ses sols volcaniques et… ses saisons de pluies diluviennes. À éviter absolument si on veut rencontrer un maximum d’animaux et circuler sans se faire emporter par les flots. Mais puisqu’il y a deux saisons des pluies en Afrique de l’Est – une courte, entre novembre et décembre, et une plus longue, d’avril à juin –, il est possible de s’offrir un safari pendant les vacances d’été.
2. Bien choisir son véhicule et son guide
L’épisode du pont inondé s’est produit à la tombée du jour, en plein mois de novembre, près de la frontière entre la Tanzanie et le Kenya. Nous étions alors en route vers la Réserve nationale du Masai Mara, au Kenya. Dans le Parc national du Serengeti, sous un ciel clair, la journée avait commencé par un second game drive – expédition qui consiste à sillonner en 4 x 4 une réserve pour y observer les animaux – en deux jours. Les game drives les plus courus sont les « Grands 5 ». L’expression vient du nom que l’on donnait autrefois aux cinq bêtes les plus dangereuses à chasser dans ces contrées : le lion, le rhinocéros, le léopard, le buffle et l’éléphant.
Avec ses quatre millions de têtes, le Serengeti est le deuxième parc animalier d’Afrique, que l’on connaît surtout pour la grande migration. Entre juillet et septembre, des millions de gnous traversent la rivière Mara, infestée de crocodiles, avant d’être accueillis dans la savane par les lions et les léopards.
Pendant que nous « chassions » les Grands 5 en Tanzanie, de fortes pluies s’abattaient sur le sud du Kenya, remplissant d’eau ses rivières asséchées et provoquant des crues qui inondaient les routes. C’est dans ce contexte que les 4 x 4 prennent tout leur sens. À condition d’être en bon état, et entre bonnes mains, évidemment. S’il y a des choses sur lesquelles il ne faut pas lésiner, ce sont la fiabilité (et le confort) des véhicules et les compétences du guide. La réussite d’un safari en dépend directement. Un guide d’expérience connaît les parcs et leurs points d’eau, sait pister les animaux et positionner sa jeep de façon à vous permettre de prendre les plus belles photos possible. Il fait preuve de sang-froid quand surviennent des imprévus, telle une crue des eaux.
Vous voulez vous assurer les services d’un bon guide ? Bombardez votre agent de voyages de questions. Est-il familier avec l’Afrique en général et l’organisation de safaris en particulier ? Avec quel voyagiste travaille-t-il ? Quel est le nom de ses « réceptifs locaux », c’est-à-dire les gens qui vont vous accueillir sur place ? Ont-ils bonne réputation ? Sont-ils établis depuis longtemps ? Quelle est la formation du chauffeur-guide qui vous accompagnera ? Depuis combien d’années pratique-t-il son métier ? Parle-t-il français ?
3. Bien choisir son type d’hébergement
En swahili, l’une des langues bantoues parlées en Afrique de l’Est, safari signifie « exploration terrestre ». Le mot a ensuite servi à désigner les expéditions de chasse aux Grands 5, avant de définir les séjours d’observation animalière pour touristes dans les parcs nationaux, là où on ne chasse plus qu’armé d’appareils photo. Comme les animaux vivent dans les parcs naturels (qui, surprise, sont loin des villes…), le plus astucieux est d’y dormir aussi. Et pour cela, le choix ne manque pas : la tente nomade, le camping de luxe ou les lodges.
En Afrique, le bon vieux camping s’adresse surtout aux aventuriers pour qui le confort n’est pas une priorité. On couche à même le sol dans des tentes igloo, et les installations sanitaires se résument souvent à ce que la nature propose.
L’option camping de luxe, elle, permet de dormir dans des tentes spacieuses (puisque permanentes) avec lits, salle de bains et douche privée. C’est le type d’hébergement qui sied à merveille aux aventuriers de jour casaniers de nuit. Ou aux fanas du film Out of Africa.
Plus chics, les lodges, avec leur architecture d’inspiration traditionnelle et également leurs piscines et restaurants de qualité, offrent un confort comparable à celui des hôtels étoilés. Et comme ils sont souvent situés aux portes des réserves, ils constituent une étape fort commode entre deux parcs.
4. Bien choisir ses animaux (avant de partir)
Les trois grands pays d’Afrique de l’Est abritent sensiblement les mêmes bêtes : outre les Grands 5, des zèbres, gnous, girafes, antilopes, hyènes, autruches, flamants roses, vautours, hippopotames, crocodiles, gazelles, phacochères, marabouts, singes et autres babouins…
Mais l’Afrique n’est pas le Parc Safari. Les animaux vivent en toute liberté sur des territoires immenses. Certains migrent selon les saisons pour se nourrir ou poursuivre leurs proies, alors que d’autres défendent farouchement leur parcelle de terre. Il est donc important de s’informer pour savoir si vos fauves préférés croiseront votre chemin.
Ce qui allumait l’ami Pierre, de Saint-Jérôme, c’était l’idée de marcher avec les gorilles dans la Forêt impénétrable de Bwindi, dans le sud-ouest de l’Ouganda. Plus qu’une rencontre avec les Grands 5, l’éventualité de se trouver face à face avec un grand singe lui donnait des frissons. Et davantage encore quand notre guide lui a expliqué comment réagir s’il se faisait charger par un primate enragé. « Baisser les yeux pour ne pas le défier, puis s’accroupir à ses pieds. » Pierre résume à quel point l’observation des gorilles à dos argenté dans leur habitat naturel a été une expérience inoubliable pour lui : « Je carburais à l’adrénaline. J’étais à la fois excité et terrifié par ces bêtes monstrueuses. » Il suffit de pianoter « gorilla attack » sur YouTube pour voir à quel point cela peut être effrayant.
Déjà, se rendre au pays des grands singes est une sacrée aventure. D’abord parce qu’il faut rouler plus de deux heures sur des pistes sinueuses, une fois passée l’entrée du parc Bwindi, pour arriver au Ruhija Gorilla Safari Lodge. Puis, poursuivre encore une bonne heure à travers cette forêt luxuriante classée au patrimoine mondial de l’Unesco, pour atteindre le sentier à partir duquel on s’enfonce dans la jungle avec les guides, qui nous fraient un passage à coups de machette. Selon les jours, trouver le nid des gorilles peut prendre jusqu’à quatre heures. Quatre heures de marche à flanc de montagne à travers une végétation dense et boueuse. Veinards, nous ne prenons qu’une demi-heure avant de tomber sur un groupe d’une douzaine de singes. De tous les âges et de toutes les tailles. Certains nichés dans les arbres. D’autres à même le sol. La bouche remplie de feuilles qu’ils mâchent à une cadence effrénée. Même s’il est interdit de s’approcher à moins de sept mètres d’eux, ils se laissent facilement photographier. Sauf que la séance photos est d’une heure pile, la durée maximale autorisée pour que ces grands primates ne se sentent pas trop envahis.
5. Bien organiser son safari
À moins d’être obsédé par les animaux sauvages, le quidam moyen peut rassasier son appétit animal en trois ou quatre jours de game drives. Pour deux raisons. D’abord parce que, entre la jeep, le guide, les droits d’entrée, l’hébergement et les repas, chaque journée passée dans un parc coûte de 150 $ à 450 $ par personne. Ensuite, parce que rien ne ressemble plus à un zèbre qu’un autre zèbre.
La meilleure recette consiste à scinder votre voyage en deux ou trois segments combinant plusieurs activités. Ne serait-ce que pour avoir la chance d’aller à la rencontre des Africains, qui, malgré les nombreux défis auxquels ils doivent faire face au jour le jour, jettent sur la vie un regard qui transforme celui de quiconque prend la peine de les connaître.
Ainsi, après avoir passé des journées à traquer les Grands 5 dans les parcs nationaux, les plus aventuriers pourront en profiter pour gravir le Kilimandjaro. Les adeptes de farniente, pour découvrir les plages de Zanzibar. Et les plus altruistes, pour se consacrer au tourisme solidaire. Parce que l’Afrique, c’est bien plus qu’un voyage. C’est une aventure au cœur de votre imaginaire.
Pourquoi les safaris coûtent-ils cher ?
Les réserves animalières sont généralement situées loin des grands centres. Et souvent à des heures de route difficilement praticable. Il faut donc des véhicules de type 4 x 4 spécialement adaptés, dont l’entretien est cher.
Les droits d’entrée dans les réserves sont assez élevés (autour de 80 $US). Et comme il vaut mieux dormir à l’intérieur et qu’il faut acheminer tout le matériel (eau, nourriture, essence, etc), l’hébergement est forcément onéreux… Cela dit, une famille de quatre peut s’offrir un safari d’une dizaine de jours pour l’équivalent de deux semaines en France.
À titre d’exemple :
Le voyagiste Aviatours propose des safaris de huit jours (19 repas) au Kenya dans des hôtels Fairmont à partir de 4 129 $ par personne. Tout compris. aviatours.ca
L’agence de voyages spécialisée Uniktour offre des forfaits de safari de 10 jours en minigroupe en Tanzanie à partir de 3 520 $ (sans billets d’avion). uniktour.com
Explorateur Voyages organise des safaris de trois semaines en Tanzanie et au Kenya avec séjour à Zanzibar à partir de 7 200 $, (vol, hébergement, repas et animateur compris). explorateur.qc.ca
Le voyagiste G Adventures propose plusieurs forfaits, dont un voyage de 15 jours en camping (36 repas inclus) en Tanzanie et au Kenya à partir de 4 199 $ (sans billets d’avion). gadventures.com
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