Les médias américains trépignent d’impatience : quand donc Hillary Clinton annoncera-t-elle qu’elle se présente aux élections présidentielles de 2016 ? Car cette fois, disent les sondages, ce sera la bonne.
Une femme présidente des États-Unis ? Des millions d’Américains y croyaient en 2008, et y croient encore. Et les plus optimistes sont prêts à faire le party : ils ont acheté des flûtes à champagne « Hillary 2016 », 40 $ pour un ensemble de quatre. Il ne reste que le mousseux à mettre au frais… et des élections à gagner.
« Il est clair que, pour une majorité de démocrates, she’s the man », dit Joyce Napier. Selon cette journaliste et chef de bureau de Radio-Canada à Washington, où elle vit depuis 11 ans, Hillary Clinton briguera sûrement l’investiture du parti démocrate, première étape avant les présidentielles de 2016. « Mais pas tout de suite, car c’est dans deux ans et, en politique, c’est une éternité. D’ailleurs, elle n’a pas besoin de dire ou de faire quoi que ce soit, tout le monde la connaît, c’est une star. Elle est big. Et comme les démocrates sont déçus de Barack Obama, elle est encore plus big. Plein de gens qui, lors de l’investiture démocrate de 2008, l’ont abandonnée pour aller vers Obama disent aujourd’hui : on s’est peut-être trompés. Qu’aurait fait Hillary ? Aurait-elle été meilleure présidente que lui ? »
Ex-première dame (1993-2001), ex-sénatrice (2001-2009) et ex-secrétaire d’État (2009-2013), Hillary entretient le suspense avec un art consommé acquis en 40 ans de vie publique. En septembre dernier, à un journaliste du magazine The New Yorker qui lui posait LA question, elle a répondu par un de ses célèbres éclats de rire, du genre « qui font se retourner les gens dans les restaurants et s’enfuir les chats », comme elle le dit dans son autobiographie publiée en 2003.
Depuis janvier, Hillary rit moins quand le sujet est abordé, car la pression a monté de quelques crans. Coup sur coup, deux publications influentes, le Time et le New York Times Magazine, l’ont mise en couverture, le premier s’interrogeant (« Qui peut arrêter Hillary ? »), le second la représentant comme une planète au centre d’une galaxie. Cerise sur le gâteau : le gouverneur républicain du New Jersey, Chris Christie, qui pourrait être son adversaire le plus redoutable lors des présidentielles, a été mêlé à un scandale d’abus de pouvoir. Sa cote a baissé, celle d’Hillary a monté, encore. Au hockey, on dirait : ça sent la coupe !
« Quand Hillary répond qu’elle n’a pas encore pris sa décision, je crois qu’elle est sincère, dit Richard Hétu, correspondant de La Presse à New York. Elle se garde une porte ouverte, en faisant tout pour être prête dans l’éventualité d’une course. C’est comme ça, en politique. » Autre signe qui ne ment pas : toute la machine à collecter de l’argent du parti démocrate est en marche et l’appuie officiellement, ce qui n’est pas à dédaigner, car la prochaine course à la Maison-Blanche coûtera plus d’un milliard de dollars par candidat ! « Ainsi, ajoute Richard Hétu, Hillary pourra dire : ce n’est pas seulement par ambition personnelle que je me présente, mais parce que le peuple le demande, comme l’expriment les sondages, et parce que les argentiers du parti pensent que je suis la meilleure candidate possible. Très difficile de résister à cet appel. »
Contrairement à 2008, où l’ex-président était très présent, trop même, « Bill Clinton se fait plus discret, dit Joyce Napier. “I am supporting Hillary, thank you.” C’est ce qu’il répond et c’est la question ici : Quel rôle jouera Bill ? » Autre interrogation : a-t-il encore des squelettes dans son placard ? La plus récente « exhumation » : la mannequin et actrice Elizabeth Hurley, qui aurait été sa maîtresse il y a 15 ans. La nouvelle n’a pas fait de vagues. À ce chapitre, Hillary est plus blindée qu’un char d’assaut. « On peut rappeler le mot d’Eleanor Roosevelt (mariée à un président, et l’une des premières Américaines actives politiquement), qui a dit que, pour qu’une femme survive en politique, elle doit avoir une peau de rhinocéros », souligne Richard Hétu.
Hillary aura 69 ans en 2016 ; seul Ronald Reagan était aussi « vieux » à son arrivée au pouvoir, en 1980. Mais l’âge de la possible candidate préoccupe moins que sa santé. Son hospitalisation, fin décembre 2012, a nourri les spéculations, du caillot dans la tête au cancer du cerveau. Depuis, un certain flou existe. « Quand elle se lancera dans la course, il faudra qu’elle fasse le point sur sa santé », dit Joyce Napier.
Les Américains sont-ils prêts à élire une femme ? Peut-être… à condition qu’elle se comporte comme un homme, avance Frédérick Gagnon, directeur de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’UQAM. « Au début de sa campagne de 2008, elle était entourée de conseillers masculins, dont certains avaient travaillé avec Bill auparavant, et ils lui ont suggéré de projeter l’image d’une femme forte, à la Margaret Thatcher. On lui a dit : le peuple américain est peut-être prêt à envoyer une femme à la Maison-Blanche, mais il est habitué de voir son président comme le père de la nation. Hillary a donc misé sur son expérience en matière de sécurité nationale, disant qu’elle n’hésiterait pas à recourir à la force militaire pour contrer les ennemis des États-Unis. Un jour, épuisée, elle a versé une larme en conférence de presse et les analystes conservateurs sur Fox News l’ont vite rattrapée : elle perd la carte en campagne électorale, que fera-t-elle si l’Iran menace d’utiliser l’arme nucléaire contre nous ? »
Même ses détracteurs ne peuvent nier sa vaste expérience, sur tous les plans, politique, santé, affaires étrangères et militaires. Elle est l’une des personnalités les mieux préparées aux réalités du pouvoir parce qu’elle les a vécues, dit Richard Hétu. « Malgré cela, ajoute-t-il, on ne peut pas dire qu’elle a un grand flair politique. En 2008, elle a souvent mal joué ses cartes. Au point de vue de la politique humaine, il lui manque quelque chose. »
Et pourtant, elle sait toucher le cœur des électeurs. Joyce Napier était présente au National Building Museum de Washington, le 7 juin 2008, au moment où elle a jeté l’éponge et donné son appui à Barack Obama. « Le discours qu’elle a prononcé était génial. » La vidéo de 29 minutes sur YouTube donne des frissons. « On n’a pas brisé le plus haut des plafonds de verre, mais on l’a fissuré à 18 millions d’endroits, a-t-elle dit, en référence au nombre de personnes qui avaient voté pour elle. Et il y a assez de lumière qui passe au travers pour nous permettre d’espérer que, la prochaine fois, ce sera un peu plus facile. »
« Selon certains pundits, comme on appelle les analystes à Washington, le duo de rêve c’est Clinton-Obama », conclut Joyce Napier. Bill et Barack ? « Non, Hillary et Michelle. On appelle cela le dream-ticket. Vous voulez une révolution ? En voilà une ! »
Hillary Clinton donne une conférence à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain le 18 mars, à Montréal.
Cet article Hillary for president! est apparu en premier sur Châtelaine.